Les patients du centre médical Les Alouettes, du quartier de la Liberté, sont inquiets, car deux médecins ont annoncé leur départ en Juillet prochain, laissant sur le carreau près de 3000 personnes.
La Roche-sur-Yon n'est pas la seule ville touchée par la désertification médicale. Et il y a des raisons de s'inquiéter pour l'avenir car la moyenne d'âge des médecins vendéens est de 53 ans. Des départs volontaires de médecins en exercice interrogent.
A la Liberté, deux départs de médecins sur les quatre présents inquiètent les habitants. Une pétition est en cours à la pharmacie du quartier. " Je ne sais pas comment je vais faire pour mon suivi médical et mon traitement après. J'ai appelé tous les cabinets médicaux de la Roche et ils n'ont aucune place" nous confiait une patiente.
Le docteur Patricia Mesle, qui exerce depuis 20 ans, et le docteur Cathy Bender, qui exerce depuis 12 ans, ont décidé de jeter l’éponge en juillet prochain. Elles exerçaient au cabinet médical « Les alouettes ».
Le docteur Mesle va se diriger vers la nutrition et le docteur Bender vers des remplacements.
Cathy Bender n’en peut plus « on refuse environ sept patients par jour et par médecin soit 28 refus pour l'ensemble du cabinet. Je n’ai pas fait médecine pour être dans le refus de soins. »
Le médecin dénonce ses conditions de travail. Tous les trois mois, la sécurité sociale vient effectuer des contrôles sur les prescriptions antibiotiques et les arrêts de travail. C'est ce qu'on appelle la rentabilité dans le domaine de la santé. « En fait, vous avez fait médecine avec des valeurs humaines. On nous oppose une logique comptable qui vous impose d’aller plus vite. »
Le centre médical des alouettes accueillera deux médecins en juillet au lieu de quatre actuellement.
De 6 mois à 1 an pour voir un spécialiste.
Cathy Bender constate que les rendez-vous chez les spécialistes sont très loin, il faut six mois à un an pour voir un dermato ou un ophtalmo.
« Par exemple, j’ai eu le cas lundi avec une patiente qui est venue me voir et qui se sentait fatiguée. Elle avait un trouble du rythme cardiaque. Je l’ai envoyée aux urgences qui m'ont renvoyé la patiente en soirée en me disant de lui organiser un rendez-vous chez le cardiologue. Je ne suis pas cardiologue. Effectivement, il y avait un trouble du rythme cardiaque qui a été enregistré. J’avais presque une heure de retard, mais ce n’est pas grave on a fait ce qu’il faut avec la patiente. J’ai appelé tous les cardiologues de La Roche et cette dame a rendez-vous le 10 juillet alors qu’elle est passée par les urgences ! »
Le fils de la dame est revenu voir le docteur en lui disant que s’il arrivait quelque chose à sa mère, le médecin était le responsable, car le dernier à l’avoir vue. « Moi non plus, je ne suis pas à l’aise avec ça ».
« Le discours de l’ARS est clair : on n’est plus médecin de famille on est des médecins traitants. La moyenne européenne par consultation est de 13 minutes. Si on vient pour quelque chose de rapide, c’est possible. Mais, par exemple, pour les bébés il faut les déshabiller ou les gens âgés c’est difficile de les brusquer, c’est compliqué. Ou alors on n’examine plus personne. C’est pour cela aussi qu’ils [l'ARS] pensent que la télémédecine deviendra incontournable. On ne verra les gens que par caméra. Pour prendre une tension ou ausculter ça devient plus compliqué. »
Cathy Bender constate que les jeunes médecins qui viennent faire un remplacement leur ont fait part de leur réticence à s’installer à la Roche, préférant Nantes, car la durée de réponse d’un spécialiste est de quelques semaines au lieu de plusieurs mois dans le chef-lieu de la Vendée.
« C’est du gâchis » confie le docteur Bender. « Le système est en train d’épuiser les vocations. »
Cathy Bender va mettre un terme à son activité après avoir exercé 12 années comme médecin généraliste.
« Ça devient compliqué au niveau de la vie familiale et la vie du cabinet, car je sens qu’il faudrait que je consulte plus pour répondre à la demande. Moi, j’ai une famille qui trouve que je travaille trop. À cela, il faut rajouter les nuits et les week-ends de garde. Moins on est nombreux plus ça revient souvent. »
« Je vais faire des remplacements parce que je n’arrive plus à trouver mon équilibre entre ma vocation initiale et ce qu’on veut faire de moi. Je vais aller faire des remplacements ailleurs pour voir s’il y en a qui ont trouvé cet équilibre-là. Moi, je n’ai pas fait médecine pour gagner 10 000 € par mois. Je m’en fous ! Je veux m’épanouir dans ce que je fais parce que ça reste un bon métier. On a un beau métier. Je veux retrouver du sens. »
Certains de nos collègues ont craqué en Vendée et en France aussi. Des médecins qui craquent, qui divorcent, qui font des Burn-out…
Nicolas Orion est le pharmacien du quartier. Il est installé depuis trois ans. Il s’interroge sur le quartier qu’il juge abandonné par les pouvoirs publics. Il avait alerté le maire à ce sujet à plusieurs reprises, qui lui aurait indiqué que la prochaine maison médicale serait pour le quartier. Le pharmacien n’a rien vu venir depuis.
« Ils ont aidé au financement de celle qui est aux Forges, il y en aura bientôt une autre au Bourg, ils ont participé à celle de Ramon. Pour le quartier de la Liberté qui est pourtant un quartier prioritaire, je pensais que la municipalité avait fait quelque chose et ils n’ont toujours rien fait » clame Nicolas Orion.
Tous les jours, le pharmacien est interpellé par ses clients qui sont inquiets. « À partir de l’été prochain, même pour une fièvre, ils iront aux urgences. Idem pour des personnes âgées qui ont des traitements assez lourds qui appellent toutes les maisons médicales et personne ne les prend. Elles vont se retrouver sans médecin. »
Une pétition
Depuis 15 jours, une pétition est à la signature à la pharmacie. Elle a recueilli 450 signatures pour le moment.
La pétition sera remise au maire à l’occasion d’une rencontre le 27 mars.
Ne sachant plus quoi faire, des patients ont écrit au Président de la République.
Pour Nicolas Orion, « l’avenir de la médecine passe par le travail en coopération entre les professionnels de santé : kinés, infirmiers, pharmaciens, médecins. » Le pharmacien est installé depuis trois ans et il souhaite instaurer ce fonctionnement dans le quartier, mais pour cela il faut des médecins.
La maison de la santé semble être la structure qui permettrait d’avoir une bonne synergie médicale un peu comme cela existe dans les autres quartiers. « C’est l’avenir, les projets pluri-professionnels. Si besoin, la pharmacie, je suis prêt à la bouger » conclue le pharmacien
4 médecins arriveront à la Généraudière d'ici la fin de l'année.
Interrogé, Luc Bouard, maire de la Roche-sur-Yon, regrette le départ des médecins en précisant que ce n'est pas le fait de la municipalité.
" La municipalité a ouvert deux Maisons de Santé Pluridisciplinaires, elle s'apprête à construire avec ORYON un centre médical privé sur le Bourg. Le bâtiment Biron Santé, rue de Gaulle, va être équipé pour recevoir des médecins aussi. Le Centre Municipal de Santé, qui a été placé comme promis, dans le sud de la ville, à proximité des quartiers Vigne-aux-Roses, Liberté et Généraudière, va recevoir d'ici la fin de l'année quatre médecins, et on continue à travailler sur le recrutement de jeunes médecins à travers la visite de Facultés."
Il faut séduire, expliquer et convaincre.Les Maisons de Santé Pluridisciplinaires (MSP) semblent être une réponse adaptée, d'après le Maire . Pour faire venir les médecins à la Roche "il faut fournir les lieux, aller voir les gens, les convaincre pour les amener sur notre territoire en leur proposant des lieux qui sont déjà prêts, comme les MSP, avec un projet et un environnement médical pour pouvoir les attirer ici. "
Et de rappeler que le pharmacien de Carrefour, lui, a fait une démarche tout à fait privée pour aller chercher des médecins à l'étranger et les faire s'installer ici.
"Quand on a prévu il y a deux ans d'installer la MSP à la Généraudière, c'est parce qu'à ce moment-là, il y avait des médecins à la Liberté. Il doit y avoir quatre médecins à la Géné d'ici la fin de l'année."