La crise sanitaire que nous vivons implique d’adapter des pratiques dans notre quotidien, mais également en milieu hospitalier. Des soignants de l’hôpital Mazurelle clamaient leur détresse avec, notamment, un manque de masques, un manque de matériel adapté. Pascal FORCIOLI, Directeur du centre hospitalier Mazurelle nous a accordé un entretien sur les mesures mises en place dans l’hôpital psychiatrique de la Roche-sur-Yon, pour lutter contre le Covid-19. L’effectif en personnel est de 1500 personnes (soignants et administratifs), pour 400 patients.
Pascal FORCIOLI - Directeur Général de l'EPSM de Vendée - centre hospitalier Mazurelle.
Quelles mesures avez-vous prises contre le Covid-19 ?
On a pris un ensemble de mesures pour faire en sorte que, si possible, le virus ne rentre pas à l'hôpital Mazurelle. C'est vraiment notre objectif premier.
On a dû fermer le foyer qui est un lieu de rassemblement des patients et des familles, comme sont fermés les cafés et les restaurants en ville.
On a interdit, depuis plusieurs jours, les visites dans l'établissement. Cela veut dire que les familles ne peuvent plus venir voir leur patient hospitalisé. On leur a expliqué pourquoi en leur disant que c'est pour protéger les patients hospitalisés ou les résidents qui sont hébergés à la maison d'accueil spécialisée. Les familles le comprennent plutôt bien.
Au fil du temps, les mesures se sont plutôt renforcées en fonction de ce qui nous a été demandé au niveau national. On a renforcé les mesures de confinement à l'intérieur de l'établissement : les patients ne peuvent plus se promener dans le parc. Ils sont confinés dans leur service en ayant accès au jardin clos attenant à chacun des services. On fait en sorte qu'ils ne sortent pas tous ensemble, mais plutôt un par un.
Quand on a des patients qui présentent des signes de Covid-19, ils vont commencer à se moucher, à éternuer... on est attentif à ces signes-là, et la personne va être confinée dans sa chambre si c'est nécessaire.
L’hôpital a-t-il actuellement des personnes qui ont le Covid-19 ?
Il y a quelques patients qui sont porteurs de signes plutôt grippaux. Mais à ce jour, on n'a pas de patient Covid-19 confirmé. On a eu quelques patients, qui se comptent sur les doigts d'une main, suspects, mais qui n'ont pas été confirmés après examen.
On n’a pas de personnel non plus qui soit Covid-19 confirmé.
Comment appliquer les mesures barrières ?
La circulation est réduite. Par exemple, au moment des repas, on a deux à trois services alors qu'avant on en avait qu'un seul et on fait en sorte que les patients soient espacés les uns des autres dans la salle à manger, afin de réduire les situations de promiscuité.
Vous arrivez à les faire respecter ?
Ce n'est pas évident, mais on n'y arrive pas trop mal.
On a moins d'activité en ce moment qu’on en avait il y a un mois c'est-à-dire on pense qu'il y a des patients qui sont en état de sidération chez eux, ils restent chez eux, cloîtrés, ils ont peur aussi de venir à l'hôpital. Certains sont en attente de soins, mais restent en attente de soins chez eux.
Y a-t-il de nouvelles formes de prise en charge ?
On a multiplié les entretiens téléphoniques plutôt que les entretiens en face à face. Parce qu'il y a un certain nombre de patients que l'on connaît, que l'on suit. On envisage de mettre en place de la Visio, la situation nous oblige à être inventif et à créer de nouvelles formes de prise en charge.
Y a-t-il des patients hospitalisés qui sont rentrés plus tôt chez eux pour faire de la place dans l'hôpital ?
On n’a pas du tout de problème de place à l'hôpital. On est plutôt, par rapport à l'habitude, en sous-régime, il n’y a donc vraiment aucune difficulté à hospitaliser des patients psychiatriques.
Une unité Covid 19
Nous avons prévu un dispositif d'accueil des patients psychiatriques, par ailleurs porteurs du Covid-19 : on a une unité Covid-19 psychiatrique dédiée qui n’est pour l'instant pas mise en œuvre parce qu’on n’a pas de patients qui répondent aux critères.
Si nous avions des patients qui répondaient aux critères, l'unité est prête à être ouverte et monter en puissance. C'est une unité qui pourrait monter jusqu'à 15 lits qui pourrait être doublée d'une unité du même nombre de lits, donc on pourrait aller jusqu'à 30 lits d'adultes et on a une petite unité que l'on pourrait actionner pour des enfants ou des jeunes jusqu'à 16 ans si c'était nécessaire. À ce jour, on n’a pas de cas d'enfants Covid-19 confirmé.
On a la chance d'avoir, à l'hôpital Mazurelle, des médecins psychiatres, des pédopsychiatres… on a l'équipe de médecins généralistes qui, habituellement, prennent en charge la médecine somatique, car les patients psychiatriques peuvent avoir aussi d'autres pathologies, et là, évidemment, ils sont plus que jamais sur la brèche pour être en veille pour les signes Covid-19, qui pourraient se présenter.
Avez-vous suffisamment de matériel pour les soignants ? Je pense notamment aux masques.
La situation évolue tous les jours… On a des commandes de masques qui sont en cours, on a des livraisons qui sont arrivées ou qui vont arriver. Actuellement, on n'est pas dans une situation de pénurie, on n'est pas non plus dans une situation où il y a lieu d'équiper tous les personnels soignants et médecins de masques. Par contre, on en a suffisamment pour équiper tous les personnels qui travailleront dans les unités Covid-19 dédiées.
Ça veut dire que demain, si on ouvre 5 lits, tout le personnel qui travaillera dans cette unité aura toutes les protections nécessaires en matière de masques, de gants de surblouses et de sur-chaussures.
Et par ailleurs, on a un stock qui nous permet de répondre ponctuellement à la demande. Ce que nous avons institué également, c'est un circuit avec la médecine du travail.
On n’a pas un stock qui nous permettrait de dire que nos personnels sont tous équipés H24 7j/7, mais par contre, tous ceux qui en ont besoin aujourd'hui, filtrés par la médecine du travail, ou tous ceux qui en auraient besoin demain parce qu'ils vont travailler dans une unité liée à l'accueil des patients psychiatriques Covid-19 seront équipés.
Donc il n'est pas nécessaire d'équiper tous les soignants ?
Ce n'est pas la recommandation qui est faite par les autorités sanitaires et les organismes compétents en lutte contre les infections. Le principe, c'est de dire vous ne vous protégez que dès lors qu’il y a un risque avéré.
Est-ce que les patients venant se faire hospitaliser sont dépistés ?
Un patient qui rentre à l'hôpital, on va lui soumettre un questionnaire de santé très précis et par ailleurs on lui prend ses constantes, dont la température.
Il n'y a pas de dépistage Covid-19, car il n'y a pas de dépistage au niveau national et au niveau régional non plus. On est maintenant au stade 3 de l'épidémie et dans le stade 3 plus de dépistage. Comme le virus est diffusé dans la population, le dépistage ne sert à rien. On peut être Covid-19, vous comme moi, mais si on ne manifeste pas de signe, personne ne sait qu'on est Covid, à commencer par soi.
Si on a des doutes, le patient est mis en observation, actuellement on les a en observation de 24 à 48 heures. Cela veut dire que le patient est mis en confinement dans sa chambre. On observe quelle est l'évolution de son état de santé si au bout de 24 ou 48 heures, il ne développe pas d'autres signes, à ce moment-là, il va pouvoir sortir de sa chambre tout en respectant les distances entre les uns et les autres. Ils les respectent plutôt bien d'ailleurs. On trouve une certaine compliance entre les patients, qui sont attentifs à leur propre sécurité.
Si un patient était diagnostiqué Covid-19, serait-il transféré vers le CHD ?
Le transfert au CHD, il n’est nécessaire que si le patient présente une détresse respiratoire.
Nous, on n’a pas les moyens de garder le patient. On peut avoir un patient sous oxygénothérapie limitée, on peut garder un patient avec de l'oxygène, mais on ne peut pas faire de la réanimation. C'est au médecin psychiatre avec son confrère généraliste d'apprécier la situation.
Quel est votre regard en prenant un peu de recul sur les choses ?
C'est une situation complètement inédite. Ce que l'on voit, car on échange beaucoup entre directeurs d'établissement de psychiatrie. Aujourd'hui, on voit plusieurs initiatives d'établissements comme celle qu'on est en train de prendre à Mazurelle.
On ne gère pas les choses de manière différente qu'on ne peut le faire à Lyon, en région parisienne, à Nantes ou à Angers. On est tous dans le même type de stratégie. On voit de nouvelles formes de travail se mettre en place, on a quelques personnels qui font du télétravail, pour ceux qui peuvent faire du télétravail comme des secrétaires médicales.
Les psychiatres, les psychologues ou les infirmiers qui s'occupent des patients en face à face travaillent par téléphone, ils travaillent différemment et on est en train de les équiper pour qu'ils puissent travailler en téléconsultations.
Peut-être que la crise va nous amener à travailler différemment en travaillant avec de nouvelles technologies au service du soignant. On en aura besoin, à mon avis, au-delà de la crise pour continuer à faire face à une demande de soins croissante, parce que la demande de soins psychiatriques est croissante et l'on peut penser qu'après l'épidémie, après le confinement, il y a un grand nombre de patients restés chez eux, qui viendront frapper à la porte de l'hôpital, et donc il faudra, là aussi, trouver de nouvelles formes de prise en charge pour répondre à une demande croissante sur l'ensemble du territoire de la Vendée.
Quelle à été votre réaction à la lecture de la détresse des soignants sur mavillesolidaire.fr ?
Il est normal que les soignants qui sont exposés s'inquiètent pour leur santé. Je trouve ça tout à fait normal comme réaction, nous il faut qu'on apporte de l'information pour expliquer pourquoi on fait comme ça et pas autrement, c'est notre devoir, et notre devoir, c'est aussi de faire en sorte que lorsque les gens ont vraiment besoin des protections nécessaires, ils les ont à disposition et ça, c'est mon souci.
Si j'avais été dans une attitude en disant : bon allez, on équipe tout le monde de masques, je ne pourrais pas répondre dans la durée au besoin d'équipement des personnes qui vont en avoir besoin. Du coup, je suis obligé d'avoir une rationalisation, et ça je comprends que pour certains, cela soit un choix difficile à comprendre. Nous, on l'explique au docteur, on l'explique à nos cadres, mais on ne va pas l'expliquer à chacune et chacun dans les équipes et là, l'information ne descend pas toujours très bien et elle peut être déformée dans la chaîne de transmission, c'est tout à fait naturel.
Quand je dis quelque chose qui concerne mon établissement, j'essaie d'apporter une réponse honnête, documentée, pédagogique. Je ne peux pas dire que je vais équiper tout le monde parce que je n'en ai pas les moyens et ce n'est pas non plus ce qu'il est prévu de faire.